16 rue Poissonnerie
64100 Bayonne

Accompagner Alberto Ruce dans la création de Kaskarotak a été une immersion passionnante dans l’histoire et l’évolution d’une tradition basque méconnue. Ce projet, qui orne aujourd’hui un mur du centre-ville de Bayonne, est bien plus qu’une simple fresque : c’est un hommage à une culture qui sait se réinventer.

Tout a commencé avec les kaskarots d’Ustaritz. Contrairement à ceux de Ciboure, dont l’histoire et les pratiques sont mieux documentées, ceux d’Ustaritz restent plus énigmatiques, empreints de mystère. Autrefois, cette tradition était avant tout un rite de passage : les jeunes garçons allaient de maison en maison à la recherche d’une épouse. Avec le temps, cette coutume a évolué et les kaskarots annoncent désormais l’arrivée du printemps, perpétuant ainsi un lien entre le cycle des saisons et la fête. Lors de leur tournée, ils pratiquent également la quête, dont les dons permettent au groupe de financer le renouvellement des costumes et autres besoins matériels.

Si aujourd’hui cette kaskarot martxa débute à Bayonne, cela n’a pas toujours été le cas. Il y a plus de trente ans, c’est à Biarritz que commençait ce périple festif, avant de parcourir les différents quartiers d’Ustaritz jusqu’à l’avant-veille de Mardi gras. Grâce à Izartxo taldea, cette tradition continue de vivre et de s’adapter, tout en restant fidèle à son esprit originel.

Mais ce qui a particulièrement retenu notre attention, c’est le souffle nouveau qui anime ces kaskarots : pour la première fois, des filles ont pu rejoindre le groupe. Cette évolution ne s’est pas imposée comme un manifeste, mais s’est faite tout naturellement. Ce sont les jeunes danseuses elles-mêmes qui ont exprimé l’envie d’intégrer cette tradition et leur présence est aujourd’hui pleinement acceptée, dans un esprit de transmission et de continuité. L’important n’est pas tant la rupture avec le passé que l’assurance que la tradition continue de vivre, en s’adaptant aux réalités actuelles.

Pour donner vie à ce projet, j’ai accompagné Alberto Ruce à Ustaritz, à la rencontre des danseuses. Nous avons découvert avec elles leurs costumes cousus à la main, écouté leurs histoires, compris ce qui les avait motivées à entrer dans ce groupe jusqu’alors exclusivement masculin. L’artiste a alors saisi l’essence de ces échanges à travers une série de photographies, qui lui ont servi de base pour sa fresque.

Dans son style si particulier, Alberto n’a pas recouvert le mur, il l’a laissé respirer. Son œuvre semble surgir de la matière elle-même, comme un souvenir imprimé dans la pierre. Ici, le mur ne masque pas le temps qui passe, il le révèle. Kaskarotak n’est pas qu’une image, c’est une résonance entre passé et présent, une vision poétique de la manière dont une culture peut évoluer sans perdre son âme.

“Le fait que mes portraits soient voilés oblige le public à participer au processus de compréhension de l’œuvre”.

Alberto Ruce est né en Sicile en 1988. Artiste peintre, il travaille aussi bien dans le tissu urbain qu’en atelier.

À 13-14 ans il commence à expérimenter les sprays, le tag et se familiarise au monde du graffiti. Il débute son parcours artistique de façon complètement autodidacte, un parcours fait d’observations et de confrontations avec d’autres graffeurs. 

En 2009, il s’installe à Paris pour cinq ans. Cette période lui donne l’occasion de rencontrer de nombreux artistes et de participer à divers évènements comme des festivals nationaux et internationaux.

De 2011 à 2014, il suit les cours de dessin, peinture et perspective à l’atelier des Beaux-Arts de Paris.

Actuellement Alberto Ruce vit à Marseille, où il a installé son atelier. Il y travaille sur différents projets artistiques qui lui permettent notamment de tisser du lien entre la France et l’Italie.

L’univers pictural d’Alberto Ruce est poétique, onirique et délicat. Sa recherche picturale est axée sur la transparence et sur le ton sur ton. Les thèmes qu’il aborde sont souvent liés à la perception sensorielle, aux liens qui lient l’Homme et la nature. C’est l’évanescence de ses sujets qui caractérisent ses œuvres. La peinture se fond aux supports qui l’accueillent (bois anciens, cartons, pierres, toiles…).

Dans la rue, il joue avec les teintes et aspérités des murs et porte une attention particulière au contexte et à l’histoire des lieux qu’il investit.