Nemo Rhunensky / FR

Pont Saint-Esprit

64100 Bayonne  

Il est souvent dit qu’il n’existe aucun rapport entre la peinture et la littérature mais chez RHUNENSKY l’expression plastique est un but autant que l’expression lyrique pour ses poésies.

Elle a travaillé, raconte-t-elle pour enrichir son cerveau en satisfaisant les différentes curiosités de son esprit ; « je suis prosopagnosique, souligne-t-elle, ce qui implique que je ne me rappellerai pas de ton visage dans quelques heures, seule ton énergie restera dans ma mémoire. Le travail est donc mon matériel, j’essaie de comprendre tes lignes à travers ma main, la recherche de ta personnalité jusqu’à l’oubli complet de tout ce qui n’est pas toi-même. Quelle difficulté ! »

Ensuite, disait-elle, s’être inventée jusqu’à l’instinct. Quelle image pour un artiste ? ; les dieux omniscients, tous puissants, mais soumis au destin. M’exprimer avec pureté et exciter des sensations avec la rencontre hasardeuse de quelques lignes. 

 « Je n’ai jamais évité l’influence des autres. J’ai grandi avec une bibliothèque à côté de ma chambre ; la bible a été ma première passion, non pas par religion, je ne savais pas lire, mais le cuir martelé de la couverture me passionnait. C’est plus tard que j’ai pu lire le cantique des cantiques, la poésie des poésies. Le soir, je m’amusais à recopier les corps nus de ma deuxième passion; le Kamasutra, sans même comprendre que cela parlait de sexe, juste une admiration pour le style Grecquo-Indien du bouquin. C’est à peu près à cette époque que la névrose artistique démarre ; Salvador Dali, je voulais acquérir sa technique, refaisant tous ces tableaux sur des morceaux de contreplaqué et puis ma première déception en lisant son autobiographie et sa passion pour les dictateurs, je n’imaginais pas qu’un génie puisse autant manquer de génie dans ses choix, pas avec autant de talent ! Mais je découvrais le sens caché de certaines œuvres, qu’à travers l’art, on pouvait raconter de longues histoires ! J’ai enchaîné ; Picasso, Cocteau, Matisse, je voulais tout comprendre et puis surtout je me suis amusée à détourner leurs œuvres. Guernika se transformait en l’Amournika, faisant du tableau de guerre une gigantesque partouze. Puis ce fut le tour des sculpteurs ; Rodin, Derbré, Ingres et tant d’autres. Les Égyptiens Hiératiques, les Grecs affinés. Ils m’ont tous inspirée jusqu’à développer ma personnalité. »

C’est en confrontant sans cesse son art avec les autres conceptions artistiques sans jamais fermer son esprit aux arts voisins qu’elle se développe isolément, grandissant cette folie lumineuse qui la distingue, se mettant à considérer avec autant de curiosité et de sincérité, le rapport entre nous et le reste de l’univers. 

La bibliothèque de son enfance brûle avec la maison, elle se créera sa propre bibliothèque. C’est donc là que les poètes sont apparus. Le premier : Baudelaire. « Une révélation orgasmique, explique t-elle ; la musique de ses mots posait mes genoux sur le sol pour ne plus les relever, jamais ! » Puis Hugo, Sade, Hemingway, elle avale tous les classiques. « Le cerveau, c’est comme l’algorithme d’un ordinateur, plus tu le nourris d’art et plus il te propose des choix artistiques parfois extraordinaires et parfois inattendus. »

Aujourd’hui, elle comprend sa nécessité de peindre et d’écrire. Tout est sensibilité et obligatoire à son bon fonctionnement, sa santé mentale. Tous les matériaux, tous les supports ; le bois, le carton, les tissus, sa propre peau puis celle des autres. Elle peint et mélange la poésie aux lignes. 

Tout cela jusqu’en 2017, la libération, après une séparation, elle se détache du regard des autres et de leurs jugements. Elle lâche prise et se révèle avec un style très coloré et érotisé, elle écrit deux essais ; « la vie est une performance artistique » et « jouir devrait être notre seul cri » 

En 2020 elle abandonne sans oublier son état primaire salvateur, raconte-elle, pour renouer avec sa pureté émotionnelle. « Je réclamais plus de calme, plus de douceur j’avais tellement de gratitude pour tous mes choix, je devais exprimer la jouissance que l’art me procure depuis toujours et l’espace de liberté, l’amour aussi qu’il suscite chez moi, c’est tellement méditatif de peindre que j’ai créé frénétiquement la collection de vêtements du magasin “Les Enfants Terribles” à Biarritz ouvert depuis 2005, avec des pièces uniques pour des gens uniques, tous peints à la main, tous différents comme nous le sommes tous. Ça me paraissait tellement logique de se distinguer des franchises qui clonent les centres-villes et les gens. Je n’ai jamais aimé ressembler à tout le monde pour me noyer dans la masse jusqu’à l’ignorance et l’oubli. Je souhaitais qu’on puisse porter une œuvre dans la rue en marchant. Une sorte de revendication artistique alors que nous démarrions les restrictions du Covid. Tout se fermait et moi je rêvais d’ouverture. Je voulais de la légèreté et de la proximité entre les gens, qu’on se reconnaisse, qu’on communique grâce à l’art. C’est vrai que la vie est une performance artistique, elle dépend de notre perception et des choix qui en découlent. On ne sait pas de quoi demain est fait, j’aime l’idée de ma mort, cela ne m’a jamais effrayée, ce qui me fait peur, c’est de ne pas savoir vivre. »